Un architecte naval de génie

A la fin de l’année 2006, il m’a été demandé d’établir une évaluation de l’important dépôt fait par Madame Françoise Copponex, fille de l’ingénieur et architecte naval Henri Copponex, au Musée du Léman, dynamiquement mené par sa conservatrice, Madame Carinne Bertola.

Un dépôt de valeur inestimable

Une première étude et un inventaire étaient en cours. Ce travail, magistralement mené par l’architecte naval genevois Sébastien Schmidt, ajoute une valeur considérable à celle des documents. En particulier, il a été dressé une impressionnante liste des dessins et autres pièces, regroupant, chronologiquement et par projet, les 355 documents en question.

Cette liste est, bien entendu, appelée à être modifiée et complétée au fur et à mesure de l’avancement des importants travaux de recherche actuellement entrepris par les soins du Musée du Léman en compagnie de spécialistes tels que Pierre Girard et Noël Charmillot.

Caractéristiques générales des documents

Ce qui frappe tout d’abord, c’est à la fois la qualité des documents, leur ampleur et leur plénitude, sans négliger la variété des sujets.

Pour beaucoup des projets, nous avons un ensemble complet, permettant de construire le navire jusque dans ses moindres détails.
De plus, les recherches entreprises ont permis de retrouver pour une grande partie des voiliers concernés le certificat de jauge, sorte d’acte de baptême d’un bateau. Nous savons ainsi où ces yachts ont été construits, par qui et pour qui.

On relèvera aussi que ces documents permettent de suivre l’évolution des projets au cours des années, ainsi que l’évolution des jauges y relatives. C’est un extraordinaire outil de travail pour les concepteurs d’aujourd’hui.

La masse des documents montre également la grande productivité de l’architecte naval et l’ampleur de la palette des types de bateaux étudiés.

L’architecte

Depuis l’aube de ma passion pour la navigation, j’ai eu la chance de côtoyer, d’admirer, puis de naviguer sur quelques unités provenant de la planche à dessin de ce grand professionnel de l’architecture navale. Malheureusement, je n’ai pas eu le plaisir ni l’honneur de rencontrer personnellement Henri Copponex.
C’est donc par ses bateaux et par son œuvre que j’ai appris à découvrir ce personnage qui a forgé des grands maîtres en la matière, tel François Graeser de Lausanne.

L’architecte naval (en anglais naval architect, en allemand Schiffbauingenieur) est l’homme de métier qui est en mesure de concevoir un navire, de calculer tous les éléments nécessaires à la réalisation du projet en établissant des plans et en donnant les directives nécessaires au constructeur.

Il s’agit d’un domaine très complexe, nécessitant la maîtrise de larges connaissances dans un nombre sans cesse croissant de domaines.
L’approche est d’autant plus délicate dans le domaine du yacht de régate, car l’architecte doit également tenir compte des très strictes règles de jauge. Il doit en apprécier chaque rouage pour permettre à son projet d’être le plus performant. On est donc dans la recherche de pointe et la réussite dans ce domaine n’est de loin pas évidente.

Henri Copponex a touché avec brillance à de nombreuses et très variées réalisations. Il est aussi le père de séries prestigieuses, tel le Lacustre. L’architecte a produit une variété époustouflante de bateaux :

  • monotypes de régate
  • voiliers de série nationale
  • voiliers de série internationale
  • voiliers de jauge
  • catamaran
  • dériveurs
  • vedettes à moteur
  • runabouts
  • canots de sauvetage
  • canot automobile
  • etc.

Par ailleurs, Henri Copponex a largement contribué à l’évolution de la jauge de diverses séries, en particulier les 15 m2 SNS et les 5.5m JI.

Sa réputation a bien dépassé nos frontières et l’on trouve des bateaux Copponex dans pratiquement toute l’Europe. Divers yachts provenant de sa planche à dessin ont gagné de prestigieuses régates et de nombreux championnats, sans oublier les Jeux Olympiques de Rome (Baie de Naples).

Passablement de ses bateaux naviguent encore, et leurs propriétaires prennent un soin particulier au maintien de leur unité, y consacrant souvent des sommes considérables.

Certains plans Copponex ont encore été construits ces dernières années. Dans la région, on mentionnera en particulier le Lacustre du Prince Sadruddin Aga Khan construit au chantier naval Burkhalter à Yverdon-les-Bains. Il y a aussi de nombreuses réalisations en Suisse alémanique, dans des chantiers prestigieux.

Divers constructeurs lémaniques, tel Philippe Durr à Versoix, sont en voie de réaliser des reconstructions à l’identique à l’occasion du centenaire de la naissance d’Henri Copponex.

D’autres unités sont en cours de restauration auprès de spécialistes de la construction classique tel Daniel Voruz à Cully. Nous voyons donc que nous sommes en présence d’un des grands architectes navals du XXe siècle et l’imposante collection de plans récemment confiée au Musée du Léman à Nyon trace à la fois la vie de l’homme, son évolution dans le domaine, ainsi que celle du nautisme et de la technologie de son époque.

L’ensemble est de grande valeur, mais chaque projet en lui-même a son intérêt. L’œuvre est aujourd’hui bien vivante et fascinera encore longtemps des générations de navigateurs de tous horizons. Ceci d’autant plus que tous les documents seront digitalisés, ce qui permettra leur utilisation informatique, des reproductions sur papier et diverses autres possibilités de promouvoir l’œuvre de cet architecte naval hors du commun.

Un grand merci ici à tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à ce regroupement de l’œuvre de l’architecte Copponex, en particulier à sa fille Françoise, aux autorités nyonnaises, au Musée du Léman et à sa conservatrice Carinne Bertola pour leur engagement en vue de préserver et de maintenir cette collection exceptionnelle.

Il ne s’agissait pas seulement d’une préservation de notre patrimoine, mais d’un devoir de mémoire, ainsi que d’une nécessité permettant aux générations actuelles et futures de se positionner dans l’avenir.

Lausanne, 10.02.2007 / 2016

Note : Le présent article a été rédigé en février 2007, dans le cadre du centième anniversaire de la naissance d’Henri Copponex ; il a été relu en 2016, mais n’a pas été actualisé.

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