Les bateaux de sauvetage, de solides unités très appréciées

Toujours soucieuses de se doter des meilleures unités possibles, les sections de sauvetage s’intéressent à la motorisation de leurs canots. Dès 1934, certains canots sont équipés de moteurs hors-bord.

Toujours à la pointe du progrès, la section de Nyon demande en 1948 à «M. Henri Copponex, le célèbre architecte naval», de lui dessiner un canot ouvert et aux formes traditionnelles, utilisable par 6 à 8 rameurs, et doté d’un moteur in-bord. Comme cela semble être une tradition à Nyon, le financement de cette nouvelle unité ne se fait pas sans peine et finalement celle-ci n’est construite qu’en 1951 par les constructeurs nyonnais, Cherpillod Frères. Neptune III peut alors se targuer d’être le premier canot de sauvetage à moteur central du Léman. Toutefois, la polyvalence de la nouvelle unité ne fait pas que des heureux: quand il navigue au moteur, le canot manque d’assise; et les rameurs le jugent bien lourd… Pourtant, une autre unité, très semblable, est construite en 1953 par le Chantier Vidoli à Crans pour le compte de la section de Saint-Prex, et naturellement nommée Ville de Saint-Prex.

Le neptune III avec 5 sauveteurs à bord
Neptune III. Les sauveteurs du Léman ont gardé la tradition de se mesurer entre sections à la rame. Les sociétés de Nyon et de Saint-Prex se sont donc dotées depuis lors, de nouveaux canots, à rames uniquement, mais sont très attachées à conserver «leurs copponex», témoins du passage entre les canots à rames et les vedettes motorisées.

Copponex n’en reste pas à ce demi-échec (les deux unités sont toujours entretenues précieusement par leurs sections, qui ne voudraient s’en séparer pour rien au monde!). Il comprend surtout que certaines formes ont atteint leurs limites. Il propose dès lors, aux autres sections intéressées, des vedettes à cabine, aux formes beaucoup plus anguleuses, mais surtout plus adaptées à la motorisation.

En 1951, il dessine avec une attention toute particulière le fameux Ville de Morges pour la section du même nom. Ses plans sont de véritables chefs-d’œuvre de précision. Le bateau est calculé dans ses moindres détails. Cette vedette automobile de 9,60 m de long est construite en hiver 1951-1952 par le chantier Francfort et Ravay, «Roger pour le bois, Boulasse pour la mécanique». Le baptême se déroule avec faste dans le port de Morges. Encadrée par le Juste-Lagier, le canot de 1918 de la section de Morges, et le Neptune III de Nyon, la nouvelle vedette est baptisée par «Quinette», Mme Pierre Bolle-Sérex, la fille du syndic, après une bénédiction donnée par le pasteur Mayor-de-Rham. La fanfare des Bedzus entonne le «choral des marins», que son directeur, Loulou Schmidt, a composé le matin même!

Très rapidement, ce bateau s’illustre dès sa première année de service en sauvant la vie de nombreuses personnes. Le 4 juin, il retrouve à 3 h 45 du matin, avec l’aide de la section d’Ouchy, le loueur Samuel Cuendet, sa fille et douze hommes de l’école de recrue PA, en perdition sur le lac. Leur embarcation, en panne d’essence, sans lumière et sans rames, par un Morget bien soutenu, aurait pu connaître un sort fatal. Le 27 septembre au matin, un coup de Bornan se lève, véritable ouragan selon les témoins. Colette, un bateau de pêche haut-savoyard, avec trois pêcheurs à bord, trop chargé par douze grands filets, peine à remonter au vent en raison d’un moteur trop faible. Le père Anthonnet, pêcheur lui aussi, lutte du côté de la Blancherie pour sauver son bateau et son matériel. Son fils vient fracasser son canot à la côte et ne peut lui porter secours. Ce samedi noir voit aussi la Claudine, le deux-mâts de Boulasse, être drossé sur les enrochements du Bief, le Slow II d’Andrée Neeser connaître les pires avaries dans la baie, tandis qu’au port même, à la jetée Vaudaire, des bateaux rompent leurs amarres, coulent ou s’endommagent. En ce jour de Fête des Vendanges, le port est réduit au chaos. Ville de Morges ramène cependant tous les équipages et bateaux à bon port. La vedette a subi son baptême du feu. Elle se taille une grande réputation pour sa tenue sur l’eau et sa capacité à affronter les pires conditions. Les sauveteurs morgiens se voient récompensés de cette journée d’enfer par une médaille d’argent décernée à Paris, à la Sorbonne, par la Société Centrale des Naufragés de France…

Détail du plan du Ville de Morges
Détail du plan du Ville de Morges. Ce bateau, dont les plans sont particulièrement remarquables au niveau de leur précision, pourra être un cas d’école en matière de construction navale, et il mériterait d’être classé monument historique suisse.

En 1989, Ville de Morges voit cependant ses jours comptés, après 37 ans de bons et loyaux services. Sauvé heureusement par une association fondée par quatre passionnés, Alain de Kaenel, Raymond Bornon, Lass Enström et Serge Nicolier, il devient un bateau-charter très apprécié. En 2007, il est offert à l’Association Patrimoine du Léman pour un franc symbolique… Obtiendra-t-il enfin la reconnaissance officielle qu’il mérite comme monument historique et qui assurera sa pérennité? D’autres sections s’intéressent aux bateaux dessinés par Copponex. En avril 1958, la section d’Evian lui commande une vedette de 9,60 m de long par 2,50 m de large, bateau dont on est sans nouvelles depuis les années 80…

Enfin, entre 1961 et 1963, l’architecte naval trace successivement deux séries de plans pour la section du Bouveret, la version finale (1963) étant un peu moins large que la précédente (1961). Le chantier Francfort et Ravay, de Morges, est chargé à nouveau de construire ce Treize Étoiles, une vedette de 10 m par 2,47 m. Le bateau va notamment servir à convoyer le célèbre mésoscaphe Auguste-Piccard, le premier sous-marin touristique du monde, du Bouveret à Ouchy. Ce sous-marin, conçu par deux autres Suisses célèbres, Jacques et Auguste Piccard, va faire la gloire de l’Exposition Nationale de 1964 à Lausanne. Contrairement au sous-marin toujours en attente de travaux de remise en état, Treize Étoiles connaît lui un sort plus heureux, il a été complètement restauré par un passionné, Claude Pachoud, entre 2002 et 2004.

Par Carinne Bertola et Florence BéalVoir d'autres histoires par ces auteurs

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