Un enseignant charismatique et pédagogue
S’il est un professeur qui a profondément marqué ma jeunesse, lors de mes études au Technicum de Genève de 1947 à 1951, c’est bien Henri Copponex. Il enseignait à cette époque la statique, la résistance des matériaux, la construction et la géométrie descriptive. Dès le premier contact, il imposait le respect.
Grand, d’allure sportive, un physique d’acteur américain, il émanait de lui une force tranquille et un équilibre qui engendraient immédiatement la sympathie. Les premières leçons confirmèrent à nous tous, adolescents, que nous avions affaire à un enseignant doué d’un sens pédagogique hors du commun. Clair, précis, il avait la faculté de transmettre son savoir par des informations concises, accompagnées de dessins explicites au tableau noir et d’exemples concrets puisés dans ses souvenirs d’ingénieur ainsi que dans ses expériences vécues en France dans les années 1930 au sein d’une entreprise de génie civil. Telles étaient les bases de son enseignement. Il avait la faculté de capter l’attention des étudiants et de leur inculquer des matières assez ardues faisant appel à des notions de mathématiques qui auraient pu être rébarbatives dans la bouche d’un professeur moins doué. Avec lui, pas besoin de mesures disciplinaires, l’attention était permanente, les chahuteurs et les perturbateurs inexistants. Il répondait à toutes les questions avec rigueur et avec un langage à notre portée.
Parfois nous lui demandions des explications orientées de manière à ce que le sujet abordé dévie tout naturellement sur la construction navale et les voiliers. Là, s’écartant du programme établi, il se lançait dans l’évocation de son hobby et de sa seconde profession, les régates et la construction des bateaux, activités qu’il exerça toute sa vie depuis son enfance. Abandonnant pour l’occasion le fil de son cours, il évoquait sa présence aux Jeux olympiques de 1948 à Torquay, dans le sud de l’Angleterre, les innombrables régates auxquelles il participa sur le Léman et à l’étranger. Mais il restait toujours extrêmement modeste au sujet des nombreuses victoires et trophées glanés tout au long de sa carrière de navigateur.
Lors des épreuves mensuelles, pas de tricherie, les pupitres étaient séparés les uns des autres. Pas question de copier sur son voisin ou de lui communiquer la solution d’un problème. Lors de l’attribution des notes, jamais de réclamations, la justice et l’impartialité étaient de mise. Chacun se voyait attribuer la note qu’il méritait sans favoritisme ni parti pris. La correction des épreuves de construction donnait lieu à un rite immuable lui permettant d’exercer son sens de l’humour. Ayant en mains toutes les épreuves rendues à la leçon précédente, il déambulait entre les pupitres en citant les réponses parfois fantaisistes ou incongrues rédigées par certains d’entre nous; toujours avec une pointe d’humour dévastatrice pour celui qui était visé mais avec les rires approbateurs des autres. Il disait qu’il lui aurait été facile de publier un livre humoris- tique destiné aux professionnels du bâtiment rien qu’avec les extraits des épreuves de construction!
Tout au long de ma carrière d’architecte, lorsque j’étais confronté à un problème technique, il me revenait en mémoire la présence d’Henri Copponex que je revoyais devant le tableau noir nous inculquant avec clairvoyance et rigueur les règles et les principes qui doivent être la base de tout constructeur digne de ce nom. Je pense, assurément sans me tromper, que tous ceux qui ont eu la chance de suivre son enseignement gardent de lui un souvenir lumineux.
Par Georges TurrianVoir d'autres histoires par cet auteur
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